vendredi 1 mai 2009

Desperate Houseman

Dimanche

Et bonjour, maison de Mrs. C. !

Le taxi me dépose juste devant, et c'est heureux. Pour 30 $, valait mieux... Mon barda va dans la chambre, le Wi-Fi est vite mis en place, les tiroirs vite remplis. Je me déleste sans attendre de mes presque 1900 $ en coupures de 20.

Et c'est là que les emmerdes continuent. Mrs. C. m'apporte un reçu qu'elle a fait pour attester que j'ai bien payé ce que je devais, et la durée de la location qui va avec. J'y apprends à mon grand désespoir que le security deposit, ç'a rien à voir avec une caution qu'elle garde au cas où je pète une table en verre. C'est le paiement du dernier mois. Bon, pas grave, je reste que trois semaines. Ah mais apparemment, c'est pas ce qu'elle a compris. Meeeerde. J'aime pas ça.

Du fait que je lui aie dit la veille que mon stage finissait début août, elle avait tout d'abord déduit que je restais jusque fin juillet chez elle. Puis, quand je lui ai dit, toujours samedi, que je risquais de pas habiter chez elle jusqu'au bout, elle a compris que je restais là en mai et en juin. Meeeerde. Comment faire passer ça ? Je vais pas lui dire que pour moi c'était clair que je comptais me barrer le 15 mai parce que j'ai déjà autre chose ailleurs, alors que je l'ai volontairement pas précisé avant pour qu'elle accepte de m'accueillir, tout en pensant que je pourrais partir quand je voulais, vu qu'on avait rien décidé comme date de fin.

Et puis voilà. Un mensonge. Histoire de s'en tirer, de pas avoir de confrontation. Et du coup, bah, j'avais mal compris. Parce qu'en fait, au labo, ils sont en train de me chercher une maison (c'est pas tout à fait faux, Z. a bien cherché une annonce pour moi sur Craigslist quand je suis arrivé, après tout). Bon, c'est pas encore sûr, hein. Mais si ça arrive, c'est vers le 20 mai. Voilà. Du coup, je sais pas encore.

'But I need to know it. Understand, if I was aware that you may not be here in May, I would not have done things that... Oh, I'm so disappointed.'

Fait chier. Bon, euh... Oui, bah, c'est parce qu'on s'est mal compris. Je parle pas encore assez bien anglais, du coup, j'ai pas compris, on va dire. Ça m'arrange, même. Bon, je leur demanderai demain où ils en sont. Voilà. On en reparle demain soir. De toutes façons, elle est pas là ce soir.

Pour le moment, je pars en repérage dans le coin. Little Ethiopia, le LACMA (Los Angeles County Museum of Art), le Miracle Mile, le coin est très sympa. Ne seraient ces histoires de loyer...

Lundi

Hop, étape suivante dans mon mensonge. Sitôt arrivé à l'ISI, j'envoie un mail confirmant que le labo m'a bien trouvé une chambre disponible à partir du 16 mai. Et que je compte m'y installer à cette date. Et que je suis désolé de causer du souci (ce qui est vrai), qu'il y a eu malentendu (ce qui est en grande partie vrai), et que je suis prêt à partir dès le lendemain en réglant pour les deux nuits s'il le faut, histoire de tout mettre à plat (ce qui est vrai, mais m'emmerderait pas mal). C'est rentre dedans. Pas de concession. J'ai peur de devoir retourner au motel. Je reçois une réponse un peu plus tard me disant qu'on en parle ce soir. J'ai encore plus peur.

À part ça, Dr. V., qui m'a fait rentrer dans le labo, en l'absence de Z., me demande si je sais quand ce dernier est censé arriver. Je suis moi-même là depuis 9.30 am. Dr. V. doit lui être arrivé vers 4 ou 5 heures du mat, comme à son habitude. Mais je sais pas quand Z. arrive. Ah, un texto. Bah si, en fait, je sais quand Z. arrive.

'He will be there at 12.15.'

Et Dr. V. de m'interroger sur les horaires des thésards français. Bah je sais pas, je suis pas thésard. Et des undergrad students ? Bah, c'est fixe, vu qu'on a des cours. De la recherche ? Bah avant ça j'ai juste fait un stage en labo d'un mois. On venait entre 9 et 10 heures. Et on repartait entre 16 et 17. Mais bon, parfois, quand on lançait une simulation qui dure 15 heures, bah on montrait qu'on était là, mais on faisait pas plus. Bon, il voit que je veux pas prendre parti. Et il m'explique :

'When I was a grad student, it would have been unthinkable for me to come to work at 12.15. Unthinkable! And do you know why? Because I wanted to be there.'

Et bim.

Je lui dis qu'il est possible après tout qu'il fasse des trucs depuis chez lui, vu que pour lancer des simulations, ya pas forcément besoin d'être au labo. Il me répond qu'il aimerait bien y croire. Re-bim.

Z. arrive, je continue le tutoriel censé m'apprendre comment me servir du programme de simulation utilisé dans le labo.

Je rentre, on parle loyer avec Mrs. C.. Elle me demande si j'ai visité l'appart. Je réponds que non, mais que j'y vais le lendemain. Elle me dit qu'elle est embêtée vu que pour elle je restais jusqu'au 31 juillet. Puis jusqu'au 30 juin. Puis en fait même pas juin, ni même vraiment mai. Alors, elle me demande si un compromis faisant finir le bail fin juin m'irait. Je réponds que oui, vu que de toutes façons, je considérais qu'un mois commencé devait être réglé entièrement vu que sa maison n'est pas un hôtel, et que les tarifs sont pas les mêmes au jour et au mois.

Tout va bien. Une fois tout ceci réglé, Mrs. C. me fait découvrir un des ses programmes télévisés préférés : le Rachel Maddow Show, sur MSNBC. C'est un magazine d'information, traitant les nouvelles avec pas mal d'humour, mais avec sérieux et surtout, sans tomber dans le divertissement caricatural dont les Américains ont l'habitude de remplir leurs JT.

Mardi

Je pars tôt de chez Mrs. C., group meeting oblige. Comme la semaine dernière, pas de présentation. Comme la semaine dernière, tour de table où j'explique rapidement que j'ai trouvé une maison, que je remercie tout le monde, et que je suis en train d'apprendre ça, et puis ça aussi.

Dans le labo, Dr. V. corrige rapidement les trois diapositives de ma présentation. Pas de grandes modifications, l'essentiel est bien compris. Ça me fait plaisir.

Un peu plus tard, Dr. V. me fait part du fait qu'il a un voyage dans quinze jours pour aller présenter les derniers travaux de l'équipe en Roumanie, et qu'au retour il doit passer à Toulouse faire une conférence dans l'institut du docteur T., à savoir le biologiste qui m'a recommandé à Dr. V.. On discute donc de ce qu'il pourrait y avoir d'intéressant à voir pour lui, qui aime pas trop les aprèms musée et préfère se balader. Je lui réponds que c'est parfait, qu'une promenade est une des meilleures façons de faire du tourisme à Toulouse. Je lui conseille quelques églises dans lesquelles entrer, Saint-Sernin et les Jacobins, surtout. Je lui raconte l'histoire de Saturnin et de la rue du Taur. Son hôtel est dans le coin de Victor Hugo, je ne peux que l'exhorter à aller au marché. On en vient à parler de vin. Il aimerait bien s'en faire servir au resto, mais n'y connaît pas grand chose. Je lui parle de Bordeaux, mais c'est, bien sûr, pas très original alors que niveau vins du coin, il suffit de regarder un peu plus au nord. C'est donc sur Cahors que s'enchaîne la discussion. Je lui promets de demander à mon père une sélection de domaines que je lui transmettrai. Ça lui fait plaisir, comme ça il pourra frimer auprès du Dr. M., qui la ramène chaque fois avec le vin. Là il aura de quoi lui clouer le bac. À propos, ledit Dr. M., qui bosse à Villejuif, aimerait me rencontrer à mon retour en France. Dès que celui-ci a su qu'un Français allait bosser dans l'équipe du Dr. V., il s'est montré très intéressé, et donc Dr. V. lui a un peu parlé de moi. Il ne sait pas à quoi ça pourrait m'amener, mais qu'une occasion comme celle-là ne pouvait qu'être profitable. Et je suis assez d'accord avec lui.

En rentrant, Mrs. C. me demande si j'ai reçu son mail. Non. Celui-ci disait qu'elle m'a rendu l'argent du mois de juin. Yes!

Mercredi

Ce matin, ISI, comme tous les mercredis. Z. arrive pas très longtemps après moi, et on continue joyeusement nos trucs, après qu'il m'ait parlé de l'éventualité de m'accompagner vendredi à un "atelier" (la traduction est bancale, je trouve, mais le mot original est workshop) organisé par le département High Performance Computing and Communications (HPCC) expliquant en détail le fonctionnement des clusters, des groupements d'ordinateurs indépendants travaillant ensemble pour calculer plus rapidement et plus efficacement (en français, on parle de grappe de serveurs ou de ferme de calcul, mais c'est moche).

À 1.30 pm, il me propose de l'accompagner à son rendez-vous hebdomadaire avec Dr. V., se déroulant donc deux portes plus loin.
Je suis là en tant que spectateur passif. Dr. V. est en train de se préparer pour son séminaire en Roumanie, et a l'impression de rien avoir à présenter. Z. lui répond qu'il a plein de trucs, mais qu'il lui a pas encore tout fait passer. Et que Dr. V. a déjà un autre truc super intéressant, nouveau, et mené au bout. Ce que Dr. V. admet. Puis, ils parlent d'un étudiant qu'ils envisagent d'accueillir, et du boulot qu'ils devraient lui confier, permettant ainsi de jauger ses capacités, et d'avancer dans les problématiques du labo. J'aimerais bien savoir ce que moi j'aurai à faire au labo... Enfin, Z. parle à Dr. V. du workshop de l'HPCC. Et Dr. V. lui fait comprendre que pour l'instant, il reste certainement trop à faire pour qu'il puisse m'amener là-bas. Donc du coup, voilà. Pour l'instant, on part sur une journée normale pour vendredi, et s'il arrive à tout torcher, il m'y emmènera.

On en profite aussi pour régler un truc. Étant donné que depuis que je prends le bus, j'arrive systématiquement plus tôt que Z. au boulot, il serait intéressant que je me procure un badge d'accès à la partie du bâtiment renfermant le bureau où je bosse. L'ISI étant le siège du MOSIS, qui est une espèce d'entreprise de production de circuits intégrés (faisant au départ partie intégrante de l'USC, et maintenant un peu plus indépendante, si j'ai bien compris), et en plus financée en partie par le département de la Défense américain, toutes les portes sont munies de verrous électroniques, et tout le monde doit présenter un badge pour pouvoir les débloquer. Enfin, tout le monde... Tous ceux qui en ont un, quoi. Pour l'instant, je suis obligé d'appeler Z., ou de demander à la secrétaire à l'entrée de l'étage chaque fois que je rentre dans le bâtiment, même si je n'étais sorti que pour manger. Maintenant, celle-ci commence à me connaître, donc elle me laisse entrer peinard. Mais bon, ça serait plus pratique. Je remplis un formulaire en ligne, j'aurai mon badge dans deux jours.

Je rentre. Pendant le repas avec Mrs. C., on parle de Pagnol. Elle me sort un bouquin qui lui a plus, sur de la physique vulgarisée, chose que j'estime importante pour que les gens arrêtent de considérer les sciences dures comme un truc imbitable par tous ceux qui ont pas ça dans le sang. Il s'agit d'un recueil de lettres de Feynmann. Forcément, là... Je crois qu'on peut pas trouver mieux. Mrs. C. me montre comment faire ma lessive, et va se coucher de bonne heure. Demain, elle doit se lever tôt pour partir pour New York.

Jeudi

USC, as usual. Je continue à observer les expériences de V., assistée par S.. J'apprends le fonctionnement d'un générateur de pulses, le montage qui sert à envoyer 500 volts dans les grains d'orge de V. pendant quelques millisecondes, et ce à de nombreuses reprises. J'apprends aussi comment ne pas m'électrocuter avec.

Pendant le voyage du retour, je découvre avec étonnement qu'il existe des bus aux USA où l'arrêt se demande avec un bouton, comme en France. Je m'explique : jusque là, tous les bus que j'avais pris présentaient sur leurs deux bords latéraux une espèce de cordelette en plastique jaune, parcourant toute la longueur du bus, au niveau des fenêtres. Pour demander l'arrêt, c'est sur ce truc qu'il faut tirer, normalement. Ça présente l'avantage d'être accessible quelque soit la place occupée dans la longueur. Par contre, ça oblige aussi à être du côté fenêtre. Ou alors à parler à des gens. Dans ce même bus, un mec arrête pas de beugler au fond du bus. C'est fou le nombre de mecs tarés que je peux croiser dans le bus, ici. J'apprendrai plus tard que c'est pas juste une impression. La proportion de malades est pas plus grande ici qu'ailleurs, c'est juste qu'il y a moins de structures pour les prendre en charge. Résultat : dans la moitié des bus que je prends, arrive un moment où déboule une fille habillée n'importe comment, et qui commence à chanter à tue-tête. Ou un type habillé n'importe comment, et qui commencer à gueuler en parlant à lui-même. Ou...

De retour à la maison, je fais la connaissance de la femme de ménage, qui me rendra visite tous les jeudis, sans que je m'y attende, et qui me fera une peur bleue parce qu'elle a sa propre clef. Ah pis, comme je voulais manger vite et mal, je suis allé dans un MacDo voir ce qu'il s'y passe. Pas grand monde y va ici, d'autres fast-foods meilleurs et moins chers sont bien majoritaires.B

Vendredi

ISI, mon badge est prêt. Youpi ! Enfin, j'ai ma petite part de rouge et or estampillée USC et ISI, avec mon nom dessus. La classe.

Ce qui est moins la classe par contre, c'est la volonté vraiment modulable que la compagnie de bus Metro met dans le respect de ses horaires. Et je parle pas forcément que de retards, mais aussi de bus qui oublient de passer. Toujours est-il que j'ai dû me taper une quarantaine de minutes de marche, mon second bus ayant décider de me laisser poireauter là où le premier m'avait déposé. C'est dans des cas comme ça qu'on remercie l'organisation si particulière des villes américaines, toute carrée, avec des numéros croissant avec l'éloignement du centre, et allant de cent en cent pour chaque bloc. Sans ça, je sais pas si j'aurais réussi à rentrer sans carte.

Plus tard dans la soirée, on frappe à la porte. Les Françaises. J'ouvre, fais la connaissance de N. et M.. Elles arrivent de San Francisco, sont à L.A. pour visiter le côté "paillettes", et repartent lundi matin pour aller à Vegas. Damn! Ça va courir, ce week-end...

Rions un peu en attendant les symptômes...

La grippe mexicaine, ou plutôt grippe porcine (pour pas vexer les Mexicains) ou encore grippe de type A, sous-type H1N1 (pour pas vexer les cochons) fait rage aux États-Unis, avec une préférence, entre autres, pour la Californie. C'est con, hein ?

L'OMS a élevé son niveau d'alerte pandémique à 5 (propagation interhumaine observée, pandémie imminente), les media français s'affolent, tout le gouvernement américain doit passer après Joe Biden lorsqu'il conseille d'éviter les lieux confinés comme les avions (et donc aussi comme les bus et les métros, d'où le drame). Je rappelle que l'influenzavirus A sous-type H1N1 a été responsable en 1918 de la mort d'entre vingt et cent millions de personnes sous son nom de grippe espagnole.

Le truc, c'est que le virus de la grippe est un virus qui mute énormément, d'où la difficulté à trouver un vaccin. Pour un même sous-type, caractérisé lui-même par son type d'hémagglutinine (H) et de neuraminidase (N) qui sont tous deux des trucs de bios (ou de chimistes, ou de biochimistes), on trouve plusieurs souches, différant par de nombreuses mutations génétiques.

Tout ça pour dire qu'en fait, bah... On sait pas grand chose du virus de la swine flu. Et la panique est loin de se faire sentir dans la vie de tous les jours. Dr. V. prend les choses avec philosophie : pour l'instant, il faut faire des tests, on sait rien sur rien, ça pourrait être mieux mais ça pourrait aussi être pire, et qu'il faut surtout ne pas oublier que la grippe (dans sa version saisonnière connue de tous) tue chaque année des centaines de milliers de personnes, donc pour la nouveauté on repassera.

Et moi, devant me résigner à contre-cœur à voir monter en moi un penchant à l'ostracisme envers les latinos, les malades et les clodos que je peux croiser dans le bus, qu'est-ce que je fais ?

Bah, je compte les masques. Un dans chacun de mes deux bus à l'aller pour l'USC. Et un sur le chauffeur de bus pour l'ISI, ce matin. Je récapitule, 2 jeudi, 1 vendredi, soit :

Un total de 3 masques pour le moment !

C'est triste, je suis sûr que c'est de voir des types avec des masques qui va rendre les Californiens malades...

1 commentaire:

  1. Bon, si tu es d'accord, on va essayer d'éviter les symptômes .....
    Laurence !

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